La Coupe de la Ligue est inutile

Une place européenne au rabais

Depuis de nombreuses années, le débat autour du calendrier de la Ligue 1 fait rage, certains considérant que la trêve hivernale est trop courte, d’autres que les intersaisons sont au contraire trop longues, pendant que les derniers veulent supprimer une des deux coupes nationales. Un sujet qui bien évidemment agace par sa redondance, mais qui semble-t-il a pris tout son sens cette année, alors que le championnat de France est encore une fois pillé par les sélections qui participent à la Coupe d’Afrique des Nations du 19 janvier au 10 février en Afrique du Sud. Résultat, les clubs de l’élite recrutent pour leur majorité pendant ce mercato hivernal, et souvent à mauvais escient. Bref, plus que des questions de profondeur d’effectifs, la problématique du calendrier pose de surcroit  des soucis au niveau de l’accumulation des compétitions, parmi lesquelles toutes n’ont pas une légitimité indiscutable. En cette semaine de demi-finales de la Coupe de la Ligue, il est ainsi opportun de remettre en cause une bonne fois pour toutes l’existence même de ce tableau qui fait certainement doublon avec celui de la Coupe de France. A ce titre, on ne parle pas d’un problème franco-français, puisque de l’autre côté de la Manche, les meilleurs clubs de Premier League ne jouent pas non plus le jeu dans ce que les Anglais appellent désormais la « Capital One Cup », du nom de la banque partenaire du tournoi, auparavant nommée Carling Cup ou League Cup.

La preuve, en attendant les matchs retours du dernier carré, programmés la semaine prochaine, on est en passe d’assister à une finale entre Swansea City, pensionnaire de l’élite en milieu de tableau, et la surprenante équipe de Bradford City, formation de quatrième division. Non pas que ce soit déshonorant de voir des clubs de seconde, voire de quatrième zone se hisser aux portes de l’Europe et d’une participation en Ligue Europa, mais disons qu’une coupe a toujours plus d’attrait et d’intérêt lorsque les meilleures équipes comme les formations plus modestes jouent le coup à fond. Evidemment, en France le schéma est le même, sauf qu’à l’inverse de l’Angleterre, la Coupe de la Ligue ne rassemble que les représentants de Ligue 1 et de Ligue 2, voire quelques uns de national, tous nécessairement professionnels. Et pourtant, depuis que cette dernière s’est rajoutée à son aînée la Coupe de France, en 1994, la préférence du public et des médias a toujours penché vers la seconde, qui permet de confronter des clubs amateurs aux « pros », qui en général, ne se font pas prier pour la disputer sérieusement, même avec des équipes remaniées. C’est par ailleurs un des symboles de la Fédération Française de Football qui se bat encore aujourd’hui pour que cette joute perdure. Concernant la Coupe de la Ligue, à l’image du match auquel on a assisté entre Saint-Etienne et Lille, mardi soir, pour le compte des demi-finales donc, l’engagement est visiblement mesuré pour les acteurs.

Alors certes, à ce stade du tableau les entraîneurs alignent leurs équipes types, étant donné que la victoire finale confère tout de même à l’heureux vainqueur, le droit de disputer une coupe d’Europe l’année suivante, mais il est évident que dans la tête des joueurs, la motivation n’a rien avoir avec le championnat. Si bien qu’il n’est pas impossible, comme les Verts viennent de le réaliser, de se hisser en finale au Stade de France, en n’ayant réellement remporté qu’une seule des quatre rencontres auxquelles Christophe Galtier et ses joueurs ont pris part. Traduction, l’ASSE s’étant qualifiée à trois reprises au terme de la fameuse séance de tirs aux buts (face à Lorient, Paris et donc Lille), on peut considérer qu’il est assez anormal de voir un prétendant à la Ligue Europa se contenter d’aller au bout des prolongations pour s’en remettre à la loterie traditionnelle des coupes. Non pas que l’institution des tirs aux buts ne doive se résoudre à disparaître, mais tout de même on est en droit de se demander quel mérite a eu Saint-Etienne de se qualifier pour une finale, en ne remportant qu’un seul match ? Paradoxalement, il n’est écrit à aucun moment dans les lois du football, qu’une rencontre doit nécessairement se terminer par une victoire ou par un festival de buts, mais gageons que ce sport qui rassemble autant pour de belles occasions, n’est pas du tout mis en valeur par la Coupe de la Ligue. D’autant que les joueurs eux-mêmes attendent toujours la dernière marche vers le trophée, pour confier qu’ils considèrent cette compétition autant que n’importe quelle autre. Comble de l’hypocrisie…

Enfin, il est assez désolant de voir que certains clubs, sous prétexte de garnir leur galerie de trophées, ainsi que de décrocher une place européenne l’année suivante, disputent le dernier carré à fond, alors que lorsqu’ils se présentent en Ligue Europa, ils se résolvent à jeter l’éponge. En effet, combien de candidats tricolores à la C3 se sont déjà pressés pour remporter la Coupe de la Ligue, comme pour terminer quatrième ou cinquième de Ligue 1, et ensuite se voir éliminé au premier tour de la compétition continentale ? Et ce, même s’il y a une disproportion évidente des rétributions entre la C1 et la Ligue Europa, chose qui semble être en passe d’être quelque peu rétabli par l’UEFA, mais qui bride de fait les candidats au trophée. Qu’importe, au final, on aura bien compris que le Coupe de la Ligue ne sert pas à grand chose, si ce n’est à encombrer le calendrier au mois de janvier, où les organismes sont déjà portés à rude épreuve. Alors s’il s’agit simplement de récompenser une formation pour son parcours, pourquoi ne pas rendre d’office la place de cinquième de Ligue 1 européenne, en remplacement du vainqueur de la Coupe de la Ligue ? Le problème de calendrier serait ainsi réglé, et la France ne perdrait pas pour autant une place qualificative pour les compétitions du Vieux Continent. Malheureusement aujourd’hui, il y a peu de chance qu’une telle idée soit présentée par les présidents de clubs professionnels en France, ni même qu’elle soit adoptée par la LFP, qui se gargarise chaque année d’avoir son propre tournoi. Espérons au moins que le prochain vainqueur au Stade de France, se rendra digne de représenter le drapeau tricolore à travers l’Europe la saison suivante !

Damien Chédeville

Dans le même thème :

La Coupe de France fait sa rentrée

 
Article précédent :

La Ligue 1 est-elle vraiment en danger ?

Crédits Photos : foot01.com